ATO-MCD : corpus et analyses en ligne |
Chaire de recherche du Canada en Mondialisation, Citoyenneté et Démocratie |
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Projet Duplessis (1937-1960)
Introduction générale Le projet comprenait les objectifs suivants: A partir d'une définition générale du discours politique comme forme discursive qui contribue de façon prévalante à la représentation de l'espace, de la communauté des rapports de forces et de l'éthique, nous avons analysé la société québécoise de 1937 à 1960 sous le règne du premier ministre Maurice Duplessis (1890-1959). Dans "Restons traditionnels et progressifs", nous avons procédé à une analyse minutieuse et détaillée de la configuration du bloc social duplessiste qui se dessine dans les discours du budget. Nous avons dressé le tableau d'un régime de Notables qui placé sous l'hégémonie du grand capital, constitue la paysannerie en classe appuie, et pose l'entreprise privée, le marché, le parti (l'Union nationale), la famille et l'Église catholique comme les institutions sociales fondamentales d'une société inscrite dans l'espace de la province du Québec. L'espace provincial constitue de plus le lieu privilégié de la reproduction en sol canadien de cette communauté politico-culturelle que représente la nation ou la race canadienne-française et catholique. Dans "La société libérale duplessiste" Nous avons analysé le travail du duplessisme sous l'un ou l'autre de ces aspects à de multiples reprises: la définition de la communauté sous les traits des traditions nationales et religieuses la soumission de l'espace (de la province) à l'envahissement du progrès la représentation de rapports entre les groupes sociaux gérés sur la base de la règle approximative de la justice, du raisonnable et de l'équitable l'enserrement de l'individu dans la rigidité d'une éthique du devoir et du respect de l'autorité le régime de surveillance qui s'abat sur une société toute entière enchâssée dans les cadres étroits de la collaboration, de la stabilité et de l'ordre... En analysant le discours de l'Union Nationale, nous avons saisi plus globalement le duplessisme en l'interrogeant en regard de la particularité du bloc social sur lequel il s'appuie et que reproduit sa politique. Le bloc social, consiste en une alliance entre les forces et classes sociales dominantes et les forces et classes dominées fondée sur la particularité d'un complexe institutionnel dont la logique ultime relève de la forme de l'État moderne. L'analyse du bloc social renvoie à la multiplicité dimensionnelle des pratiques du pouvoir politique. Au niveau du discours, il convient d'être attentif aux alliances entre les forces sociales explicitement ou implicitement formées à la délimitation d'un espace territorial de prédilection, à la production d'une communauté d'appartenance. Plus encore, on s'attachera à la promotion de certaines institutions, aux rapports que le discours posent entre elles et, alors, se dessinera les contours de la forme de l'État ou, si l'on préfère des modalités de la régulation politique. Méthodologie La sélection et l’analyse des documents de ce corpus est spécifique à chaque sous-corpus. Nous explicitons plus longuement le contexte de la sélection dans les sections ci-dessous consacrées à chaque sous-corpus. Références bibliographiques principales À titre indicatif, non exhaustif et par ordre chronologique.
Description des corpus
Discours du budget (1940-1960) Le discours du budget ne parle d'économie qu'en lui adjugeant de multiples frontières. S'il la pose comme un objet différencié, particulier, presque palpable sur lequel un acteur extérieur, l'État, choisit d'intervenir ou de s'en abstenir, jamais cet objet ne sera laissé à lui-même. Le discours du budget se meut en des directions en apparence opposées: en même temps qu'il donne à la représentation marchande un mouvement accéléré de soumission des choses, des hommes et des femmes, il ne libère l'économie que pour l'assujettir à ce qu'il a posé comme étant en dehors d'elle. Le libre jeu de l'économie, le pouvoir polluant de la symbolique monétarisée ne se déploient qu'en des formes et selon des règles qui ne sont jamais absolument innocentes des stratégies sociales et politiques qui définissent le champ de leurs performances. Il s'agira ainsi de parler en même temps de tout autre chose. Ce discours apparemment impérialiste ne s'impose qu'en se soumettant lui-même à des impératifs qui le dépassent. Son impérialisme semble conditionné par les forces mêmes qu'il devra soumettre, car produire l'économie, c'est aussi produire la société. On ne s'étonnera donc pas que le discours du budget se fasse le héraut du développement économique et du progrès, en même temps que de la société canadienne-française traditionnelle et catholique. Ce double discours n'apparaîtra paradoxal que si l'on se laisse entièrement subjuguer par l'objet même qu'il devrait en principe promouvoir: le libre développement de l'économie capitaliste. Dans une telle perspective, on se surprendrait à rechercher les preuves de la duplicité des acteurs, ou plutôt de l'acteur, puisque l'on aura tôt fait de repérer le grand responsable: le chef lui-même. Nous adopterons un autre point de vue, un autre «principe» de lecture. Bien qu'il définisse la politique économique de l'État provincial, le discours du budget sera considéré comme un discours politique à part entière. Nous ne nous intéresserons que fort marginalement à ce qu'on appelle le plus souvent la politique économique au sens restreint. Outre le fait que cette analyse a été faite ailleurs, il nous semble impérieux de prendre au sérieux le caractère directement et pleinement politique de ce discours. Pour nous, il s'agira de faire ressortir comment, entre 1934 et 1960, l'intervention du ministre des Finances est tout entière traversée par le procès de production de l'espace, de la communauté et des rapports de forces. Nous commencerons par une esquisse des axes à partir desquels s'effectue le travail de production du sens. Nous proposons une lecture attentive aussi bien au caractère incontournable du contenu, démarche essentielle à la quête du sens dans son rapport à l'histoire, qu'à la particularité du fonctionnement de la langue, la production du sens étant tributaire de sa matérialité. L'ordre de l'exposition des résultats de notre lecture du discours du budget séparera ces deux aspects nécessairement concomitants, mais cette démarche, distincte du travail de la recherche durant lequel les deux plans se sont enchevêtrés, est essentielle à la compréhension de l'analyse. Il s'agira donc d'indiquer d'abord les principales marques ressortant d'un balayage systématique du contenu du discours. Dans ce premier temps, nous procéderons à l'analyse de l'espace sémantique en recherchant les rapports entre des catégories sociologiques que nous avons apposées sur le texte. Nous nous attacherons à cerner les points de convergence dans l'univers discursif, nous tracerons les limites et les balises entre ses différents sous-ensembles, mais nous prendrons bien garde de sacrifier les contradictions qui hantent le texte à une quelconque logique de l'intelligibilité surimposée par l'analyste. Notre quête de sens sera entièrement soumise et attentive au texte lui-même. Nous prendrons le texte au sérieux en tentant, au moins en un premier temps, de préserver notre lecture de tout a priori extérieur au discours analysé et fonctionnant comme une sorte de garant apte à l'expliquer mieux que lui-même. Discours de l'Union Nationale (1937-1960)
Discours d'ouverture (trône - 1944-1960) Le sous-corpus du discours du trône est constitué de tous les discours du trône prononcés par l'Union nationale de 1944 à 1960 inclusivement. Le discours du trône inaugure la session parlementaire. Il est habituellement l'occasion de rappeler les réalisations du gouvernement et constitue un énoncé d'intentions générales qui correspond à l'essentiel du programme législatif de la session à venir. Le texte de tous les discours du trône de la période est publié par l'imprimeur officiel de la province de Québec. Le travail de constitution de ce sous-corpus n'a posé aucun problème particulier étant donné l'accessibilité de cette publication officielle du Québec. En raison de leur caractère relativement succinct, les textes n'ont pas été échantillonnés et ont été saisis presque intégralement sur support magnétique. Seule, une procédure d'édition visant à éliminer les titres et sous-titres a été appliquée afin d'éviter le gonflement artificiel du lexique. Discours législatif (1937-1954) La composition du sous-corpus du discours législatif a présenté davantage de difficultés. Il faut, en effet, rappeler qu'il n'existe pas de journal des débats durant la période. Cet ensemble de textes réunit donc les comptes rendus des débats entourant les lectures et les sanctions des principales lois de la 22e à la 25e législature du Québec tels qu'ils ont été rapportés par le journal Le Devoir. La couverture journalistique du Devoir nous a semblé la plus rigoureuse et la plus exhaustive en l'absence de comptes rendus officiels. Six domaines permettant
de rendre compte des composantes essentielles de l'activité législative et de révéler l'état
de la société et de ses transformations, ont servi à circonscrire le sous-corpus: La première étape de la sélection a consisté en un relevé exhaustif des lois correspondant aux six domaines législatifs. De ce bassin n'ont alors été retenues que les lois inédites et donc soumises pour la première fois à la législature. Les modifications ou amendements à des lois existantes ont donc été écartés. La deuxième étape de la sélection a consisté à compiler les articles du Devoir traitant des débats entourant la sanction de ces projets de lois. Seuls les articles faisant la manchette et se présentant comme des comptes rendus des débats entourant l'adoption d'une loi ont été retenus. Les éditoriaux et les articles de fond ont donc été éliminés parce qu'ils représentaient l'expression d'un point de vue extérieur aux débats en chambre. Cet ensemble a été l'objet d'un échantillonnage aléatoire systématique en raison de sa grande étendue. Pour chacune des quatre législatures au cours desquelles les projets de lois ont été débattus, nous avons retenu cinq articles. D'abord, pour chaque législature, les articles ont été numérotés suivant la date de leur parution. Ensuite, le nombre total d'articles trouvés dans le cadre de chaque législature a été divisé par cinq afin d'obtenir la séquence de sélection des articles. Enfin, pour chaque législature, un premier article a été retenu au hasard dans le premier segment et les quatre autres en fonction de la séquence définie plus haut. Ce sous-corpus a dû être remanié en raison de la nature même des comptes rendus journalistiques. Les comptes rendus des débats en chambre sont, en effet, truffés d'interventions du journaliste destinées à situer le contexte, à décrire l'atmosphère, à relier la discussion actuelle à un débat antérieur ou encore à commenter des attitudes, des comportements susceptibles d'éclairer le lecteur sur la psychologie des protagonistes. Ces aspects du reportage et tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, renvoient au traitement journalistique de l'information ont été éliminés. Un patient travail de refonte a alors consisté à repérer, puis à supprimer le discours proprement journalistique pour ne retenir que les propos tenus à l'assemblée législative et rapportés par le journal. Cette modification du texte ne garantit pas que l'objectivité du discours ait pu être restituée, mais sans doute s'agit-il là de la meilleure façon de reproduire empiriquement la substance du débat. L'établissement du texte a ensuite nécessité que soit reconstitué le style direct de l'énonciation. En effet, le compte rendu journalistique implique par définition que le discours soit rapporté à la troisième personne. Des propos sont attribués à un locuteur qui, lui, les a énoncés à la première personne. Le travail a consisté à transposer le discours tenu à la troisième personne à la première en fonction de règles de transformation strictes. C'est sous cette forme que ce sous-corpus a été finalement saisi sur support magnétique. Nous avons aussi éliminé toute intervention qui n'était pas attribuable à un élu de l'Union nationale. Le texte correspondant aux interventions des membres de l'opposition officielle et des tiers partis a ainsi été systématiquement supprimé. Le discours législatif représente donc un condensé épuré et serré des positions duplessistes sur le plan législatif durant la période. Discours électoral (1944-1960) Le sous-corpus du discours électoral est composé des interventions publiques des candidats de l'Union nationale durant les campagnes de 1944, 1948, 1952, 1956 et 1960. De la même façon que pour le discours législatif, la constitution de ce sous-corpus a été effectuée à partir de comptes rendus journalistiques. Le journal Le Devoir a servi de source à la collecte des textes correspondant à toutes les campagnes électorales sauf celle de 1956 pour laquelle nous avons dû recourir au journal La Presse, en raison du boycott par l'Union nationale dont faisait l'objet Le Devoir à cause de ses positions trop ouvertement critiques vis-à-vis du régime. Les positions du Devoir incitèrent les dirigeants de l'Union nationale à interdire aux journalistes de ce journal l'accès à ses assemblées politiques. Les articles retenus aux fins de l'analyse sont ceux qui faisaient la manchette. Il s'agit plus précisément des comptes rendus de discours prononcés par les candidats de l'Union nationale lors d'assemblées publiques. La plage temporelle à l'intérieur de laquelle s'est effectuée la collecte est délimitée par les dates correspondant à l'annonce de la tenue de l'élection jusqu'au jour du scrutin. Tous les articles présentés en manchette et portant sur les propos tenus par les candidats unionistes durant la campagne ont d'abord été réunis. L'échantillonnage a été réalisé suivant les même principes que ceux qui ont été appliqués au discours législatif. Les articles colligés furent regroupés en fonction des campagnes électorales auxquelles ils correspondaient, avant d'être l'objet d'un échantillonnage aléatoire systématique. Encore ici, le critère d'échantillonnage résidait dans l'obligation de retenir cinq articles par campagne. Le sous-corpus définitif fut obtenu au terme de l'opération décrite plus haut. La mise en forme du discours électoral présentait le même genre de difficultés que celles que nous avons rencontrées pour le discours législatif. Le traitement journalistique de même que les traits de mise en pages et d'édition (titres et sous-titres) ont été éliminés. Comme pour le législatif, la transcription du discours électoral a été modifiée de manière à le ramener à la forme du discours direct.
Discours constitutionnel (1945-1957) Le sous-corpus constitutionnel a été constitué à partir des publications gouvernementales regroupant les procès-verbaux des conférences fédérales-provinciales des premiers ministres. Les textes des conférences de 1945-1946, 1950, 1955 et 1957 ont été retenus. C'est dire que toutes les conférences fédérales-provinciales tenues durant la période étudiée ont été considérées. Seules les interventions des représentants du gouvernement du Québec, le plus souvent de Maurice Duplessis lui-même, furent conservées. Plus précisément, le sous-corpus réunit à la fois les interventions majeures des représentants québécois et les discussions surgissant spontanément dans le feu du débat. S'ajoutent à cela les mémoires déposés par la province de Québec qui énoncent les positions du Québec sur certains aspects particuliers des réformes constitutionnelles proposées par le gouvernement fédéral. Le texte original n'a subi que peu de transformations. Nous avons éliminé les tableaux statistiques et les passages à caractère exclusivement technique ou protocolaire (heure de reprise des discussions, numéro de salle de rencontre, convocations à des banquets, etc.). Le texte a été saisi sur support magnétique sous cette forme à peine modifiée. Discours religieux (1944-1960) Nous n'avons retenu du corpus religieux que celui constitué par les mandements des évêques. Aussi nous faut-il définir ce que sont ces mandements. Ce sous-corpus regroupe les textes publiés par les diocèses, sous le titre «Mandements, lettres pastorales et circulaires des évêques». Nous avons retenu les mandements des diocèses de Montréal, Québec, Sherbrooke, Hauterive et Chicoutimi en raison de leur représentation du territoire québécois. Il faut ajouter que ces mandements constituent un ensemble discursif hétérogène. Ils sont principalement constitués de trois types de documents : les documents de régie interne (53,42 % du total des documents), les textes théologiques et dogmatiques (20,59 %) et les énoncés de doctrine sociale (25,99 %). Nous nous sommes intéressés exclusivement aux derniers. Les textes de régie interne sont, en effet, des directives de l'archevêché à l'adresse du clergé et des documents dogmatiques ou théologiques débattant de questions avant tout religieuses. Par contre, le discours social de l'Église s'adresse à la population et aux fidèles par le biais du clergé. Leur format peut varier d'une lettre pastorale collective à une lettre épiscopale, à une allocution radiophonique, etc., mais ces discours ont tous en commun d'exposer la doctrine sociale de l'Église sur les rapports sociaux et les relations de l'individu à la société. Bien que n'ayant retenu que les discours qui portent directement sur les rapports sociaux que l'on retrouve dans le sous-corpus de doctrine sociale, les mandements représentaient un ensemble très vaste, et il a donc fallu échantillonner. Après avoir fixé une limite approximative de quarante pages de texte par année tout au long de la période, nous avons adopté un premier principe qualitatif pour l'échantillonnage. Les textes retenus devaient apparaître dans aux moins trois des cinq diocèses et, ce faisant, constituaient le plus souvent des lettres pastorales signées par un grand nombre d'évêques. Ce principe a suffi à déterminer le corpus pour la plupart des années de la période retenue. Lorsque nous obtenions un nombre largement supérieur à quarante pages, nous procédions alors à un échantillonnage aléatoire simple. Le corpus religieux n'a pas été l'objet de procédures complexes de remaniement. Nous n'avons éliminé que les titres et les sous-titres, ainsi que les formules utilisées à la fin des lettres, précisant le lieu premier de la publication, la date et la liste des signataires. Le corpus religieux est constitué des discours des groupes suivants:
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