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LES TRAITEMENTS STATISTICO-LINGUISTIQUES ET L'ENQUÊTE COGNITIVE COMME MOYENS DE RECONSTITUER L'EXPERTISE DES SPÉCIALISTES EN ANALYSE DOCUMENTAIRE: LE CAS DE LA JURISPRUDENCE

Par Suzanne Bertrand-Gastaldy, François Daoust,

Jean-Guy Meunier, Gracia Pagola et Louis-Claude Paquin


Bertrand-Gastaldy, S.; Daoust, F.; Meunier, J.-G.; Pagola, G.; Paquin, L.-C., 1993. Les traitements statistico-linguistiques et l'enquête cognitive comme moyens de reconstituer l'expertise des spécialistes en analyse documentaire: le cas de la jurisprudence. Montréal: Université du Québec à Montréal, Centre de recherche en Cognition et Information ATO.CI. 30 p. (Cahiers de recherche; 2)


INTRODUCTION

La Société québécoise d'information juridique (SOQUIJ) a pour mandat de "promouvoir la recherche, le traitement et le développement de l'information juridique en vue d'en améliorer l'accessibilité au profit de la collectivité" et, plus particulièrement, de publier les jugements rendus par les tribunaux judiciaires du Québec dans des recueils imprimés et des banques de données interrogeables en direct. Elle reçoit actuellement plus de 10 000 jugements par année, chiffre auquel il faut ajouter les jugements de la Cour suprême du Canada et les décisions des tribunaux administratifs.

La saisie électronique des jugements à la source mise en place progressivement par le ministère de la Justice du Québec portera à près de 50 000 le nombre de jugements acheminés sans aucune sélection préalable.

Afin de maintenir le même service sans accroÎtre indûment le personnel, SOQUIJ a confié à une équipe de recherche du CEFRIO (Centre francophone de recherche en informatisation des organisations) constituée de chercheurs du Centre de recherche en cognition et information (ATO.CI) de l'Université du Québec à Montréal et de l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information (EBSI) de l'Université de Montréal, le mandat de concevoir un prototype de système expert qui allègera certaines des tâches des conseillers juridiques chargés de traiter les jugements à plusieurs niveaux (tri; sélection; classification, indexation, résumé; documentation; édition). Plus spécifiquement, le système devra:

1) aider à éliminer à la source les jugements non motivés et ne présentant pas d'intérêt

2) aider à trier et à classifier les jugements selon les différents domaines du droit répertoriés dans un plan de classification subdivisé en 57 domaines

3) suggérer des descripteurs extraits d'un thésaurus (qui contient plus de 700 descripteurs) et de mots-clés libres pour l'indexation.

  Dans le texte qui suit, nous présenterons brièvement nos hypothèses de travail et les contraintes à respecter pour la réalisation du projet. Puis nous énumérerons les sources de données auxquelles nous recourons . Nous nous attarderons à l'explicitation des approches méthodologiques destinées à faciliter l'extraction de l'expertise des spécialistes et nous exposerons, pour terminer, la façon dont sera élaboré le système expert.

HYPOTHÈSES DE TRAVAIL ET CONTRAINTES

  Le projet s'appuie sur la triple hypothèse qu'il est possible: 1) de modéliser les décisions prises par les conseillers juridiques pour analyser les arrêts; 2) de construire des algorithmes d'analyse des jugements en plein texte pour assister ces décisions; 3) d'opérationnaliser les algorithmes dans un milieu réel pour un corpus fortement normalisé comme celui de la jurisprudence.

  Les chercheurs doivent remplir le mandat confié en respectant à la fois la plate­forme technologique et les outils documentaires de SOQUIJ. Les logiciels qui supportent la recherche tournent sur micro-ordinateurs IBM­PC ou compatibles, matériel également utilisé par SOQUIJ . Quant aux algorithmes de calcul statistique, ils sont mis au point sur les ordinateurs centraux des universités, puis transférés sur micro pour la réalisation du prototype. Au terme du projet, il appartiendra à l'organisation de décider du type de matériel devant supporter la mise en production. Comme le système expert devra assister le travail humain sans le remplacer, il n'est pas prévu d'abandonner les outils documentaires actuels. Néanmoins ceux-ci pourront être enrichis et modifiés pour s'adapter aux opérations automatisées.

LES SOURCES DE DONNÉES

  La modélisation, la mise au point et l'opérationnalisation des algorithmes s'appuient sur plusieurs sources de données, dont certaines se trouvent déjà sur support informatique. Il s'agit des notices bibliographiques produites à la suite des différentes opérations d'analyse, des textes intégraux des jugements et des critères explicites ou implicites auxquels recourent les conseillers juridiques pour prendre leurs décisions.

  Les résultats des différentes opérations d'analyse effectuées par les conseillers juridiques constituent un dépôt précieux de l'expertise humaine qu'il faut extraire afin de pouvoir en reconstituer sinon les procédures, du moins l'aboutissement. Il s'agit: a) des rubriques de classification; b) des mots-clés contrôlés issus du thésaurus et des mots-clés libres assignés dans la "manchette" (qui constitue une sorte de titre enrichi) à la suite de l'indexation; c) du résumé structuré et des autres éléments d'une notice (nom des parties, tribunal, citations de lois ou de jurisprudence, etc.). Notre échantillon est constitué de 1068 notices de Jurisprudence Express publiées entre janvier et juin 1991.

  Certains des jugements sont, en raison de leur importance, publiés sous forme intégrale, par exemple dans Recueil de Jurisprudence du Québec, et disponibles sur disquettes. D'autres, ceux qui sont éliminés à la source ou conservés dans des classeurs pendant un an, sont reçus pour le moment sur support papier et il nous faut les saisir et procéder à la reconnaissance optique des caractères pour les exploiter. En effet, la comparaison des différentes caractéristiques de chaque groupe de jugements permettra de trouver les éléments formels ayant pu justifier la discrimination.

  Les jugements comportent des régularités exploitables par des analyseurs automatiques: "La jurisprudence est un exemple frappant de textes dont la structure est normalisée." (Didier, 1990: 167), ce qui rend possible, croyons-nous, le recours aux méthodes développées à l'intérieur de la théorie des langages de spécialité (Grishman et Kittredge, 1986; Kittredge et Lehrberger, 1982). La forme est régie par les contraintes coutumières, d'après Didier (p. 168) qui affirme: "Le rapport judiciaire est construit sur un plan immuable composé de deux éléments: le jugement lui-même et les informations complémentaires qui l'encadrent en tête et en queue." et qui ajoute (p.170): "On constate que la structure interne des jugements devient de plus en plus rigoureuse, que les juges n'hésitent plus à intégrer des tables des matières dans leurs motifs, surtout lorsque ceux-ci sont longs et complexes." Quant au fond, plus difficile à cerner, Poirier (1985) l'a étudié pour établir des normes de rédaction des résumés respectant la structure d'information des textes intégraux.

  Les conseillers juridiques mettent en oeuvre un savoir très spécialisé qui tient à la fois de la connaissance intime des différents domaines de droit dans lesquels chacun a développé une expertise, de la nature des textes analysés, des politiques régissant chacune des publications et banques de données produites ainsi que des besoins des différents types d'utilisateurs auxquels elles sont destinées. Ce savoir est actuellement très peu codifié. À part la sélection définie, dans ses grandes lignes seulement, par l'annexe 2 au Règlement sur la cueillette et la sélection des décisions judiciaires (Loi sur la Société québécoise d'information juridique - L.R.Q., chap. S-20, art. 21) et aux recommandations de Poirier (1985) pour la rédaction des résumés, l'équipe de recherche doit recourir aux techniques d'enquête cognitive (entrevues et observations en situation de travail) pour mettre au jour les pratiques développées par les experts humains dans la prise de connaissance et l'analyse des jugements.

LES APPROCHES MÉTHODOLOGIQUES : COMPLÉMENTARITÉ DES TRAITEMENTS STATISTICO-LINGUISTIQUES ET DE L'ENQUÊTE COGNITIVE

  L'extraction de l'expertise s'effectue par deux approches complémentaires qui s'enrichissent mutuellement. Les données issues de l'analyse humaine (textes secondaires), soumises à une combinaison de traitements que nous allons exposer, puis mises en correspondance avec les données des textes intégraux (sources primaires), révèlent des tendances et des anomalies qui servent ensuite à questionner les outils, les pratiques et à orienter ou à corroborer l'étude des savoir-faire. La multiplicité des données et des types de traitement dépasse en envergure et en complexité les études antérieures de ce genre (Todeschini et Farrell, 1989).

Enrichissement des textes et des notices par ajout de propriétés

  Les traitements consistent à déceler les caractéristiques propres aux unités lexicales ou textuelles, l'objectif étant de découvrir lesquelles de ces unités et lesquelles de leurs propriétés permettent de reproduire les résultats des analyses effectuées antérieurement par les conseillers juridiques. Nous utilisons pour cela le langage ICON (Griswold, 1990) et le logiciel SATO (système d'analyse de textes par ordinateur) conçu au centre ATO.CI (Daoust, 1992). La mise au point des algorithmes s'effectue à partir des notices de Jurisprudence Express qui offrent le triple avantage d'être fortement codifiées, relativement courtes (environ une page) et de refléter l'expertise des analystes. Ils sont ensuite adaptés et appliqués aux textes intégraux.

  Les propriétés attribuées aux données textuelles, en contexte ou hors contexte, consistent en l'ajout de connaissances de nature diverse qui enrichissent les chaÎnes de caractères immédiatement accessibles à l'ordinateur et accroissent le nombre d'opérations auxquelles on peut ensuite les soumettre. Il peut s'agir d'informations résultant de décomptes statistiques, de connaissances générales de la langue (nature grammaticale des lexèmes), de connaissances spécifiques au domaine (vocabulaire, structure des jugements), de connaissances "documentaires" (champs d'une notice, appartenance des lexèmes aux langages documentaires, signification des différentes conventions typographiques dans les enregistrements), etc. Elles sont interprétables par un être humain et résultent de traitements automatiques, assistés ou humains. En voici quelques exemples:

  - Fréquence dans le corpus, avec valeurs calculées automatiquement par SATO:
fréq (lexique)
13828 à
10 abandon
1 abandonna
1 abattu
1 Abitibi-Témiscamingue
1 abolition
32 abordages

  - Autres propriétés statistiques:

Moy. Écart Répart. Discri. Chi2 (lexique)

9.73 4.02 100.0% 0.00 28.79 a

0.04 0.19 3.8% 0.45 21.98 abri

0.12 0.42 7.7% 0.46 25.03 absence

0.04 0.19 3.8% 0.45 21.98 acceptant

0.08 0.27 7.7% 0.36 16.65 acceptation

0.04 0.19 3.8% 0.49 24.26 acceptation_du_risque

0.04 0.19 3.8% 0.31 15.07 acceptent

0.04 0.19 3.8% 0.49 24.26 accepter

0.04 0.19 3.8% 0.27 12.88 accès_aux_documents

0.35 0.87 15.4% 0.92 49.72 accident

0.04 0.19 3.8% 0.31 15.07 accident_d'_automobile

0.04 0.19 3.8% 0.56 28.05 accident_du_travail

...

0.12 0.58 3.8% 1.61 80.00 acte_criminel

0.04 0.19 3.8% 0.44 21.76 actes_fautifs

0.58 0.93 30.8% 0.65 35.07 action

0.04 0.19 3.8% 0.31 15.07 action_en_dommages

0.08 0.27 7.7% 0.35 19.05 action_en_dommages-intérêts

0.23 0.42 23.1% 0.32 19.68 action_en_réclamation

  - Propriétés grammaticales des formes simples hors contexte (nom, verbe, adjectif, etc.) résultant de la projection sur le lexique du corpus de bases de données lexicales:
gramr (lexique)
préposition à
nomcommun abandon
conjugué abandonna
partpassé abattu
nompropre Abitibi-Témiscamingue
nomcommun abolition
nomcommun abordages

  - Propriétés typographiques (lettres capitales reconnues par SATO, spécifications de polices de caractères dans le logiciel de traitement de texte, converties avec le langage ICON en valeurs de propriétés: gras, italiques et soulignés):

Format reçu de SOQUIJ:

^N Les dispositions du ^ICode de procédure civile^N relatives à l'amendement doivent recevoir une interprétation aussi large que possible.

Format SATO après conversion:

Les dispositions du *typo=italique Code de procédure civile *typo=nil relatives à l'amendement doivent recevoir une interprétation aussi large que possible.

  - Position dans la macro-structure; des algorithmes ont été développés et implantés en ICON pour attribuer des valeurs de propriété admissibles par SATO, selon les différentes subdivisions propres aux notices:

. Numéro d'identification

. Tribunal ayant rendu le jugement

. Manchette

. Litige

. Contexte

. Décision

. Références (nom des parties, nom des juges, citations de lois, d'articles de lois)

  Nous tentons d'automatiser également la reconnaissance des passages concernant le litige, le contexte et la décision dans le texte intégral des jugements, à partir de certaines régularités stylistiques ou lexicales.

  - Position dans le texte, selon les subdivisions textuelles courantes en phrases et en paragraphes; un algorithme implanté en ICON numérote les phrases et identifie la première (pr), la deuxième (deux) la dernière (de) et l'avant-dernière (ad ) de chaque partie du résumé, tout en attribuant la valeur au aux phrases restantes:

NOTICE 91-3.STR

*par=ident*typo=nil<ND>91-3 *par=provenance<HD>COUR D'APPEL

*par=manchette ASSURANCE -- assurance de responsabilité -- recours contre le tiers responsable -- option -- article 2603 C.C. -- interdiction de cumul -- amendement.

*par=litige *phr=1 *ord=(ad,pr) Appel d'un jugement de la \Cour supérieure ayant accueilli une requête en irrecevabilité. *phr=2 *ord=de Rejeté, avec dissidence.

*par=contexte *phr=1 *ord=pr Le 18 février 1988, l'appelante a intenté une action contre la mise en cause \Fontaine, lui réclamant 23 688$ à titre de dommages à la suite d'un incendie provoqué par sa négligence. *phr=2 *ord=deux Quelques mois plus tard, l'appelante a fait signifier une déclaration amendée qui ajoutait la compagnie d'assurances intimée à titre de défenderesse et qui concluait à la condamnation conjointe et solidaire des codéfenderesses. *phr=3 *ord=au L'intimée a alors présenté une requête en irrecevabilité fondée sur le fait que l'appelante n'avait aucun recours contre elle puisque, en poursuivant \Fontaine, elle avait exercé l'option prévue à l'article 2603 \C..\C.. . *phr=4 *ord=au La requête en irrecevabilité a été accueillie malgré la demande verbale d'amendement présentée par l'appelante visant à modifier la désignation des parties et à ne maintenir que l'intimée à titre de défenderesse, reléguant \Fontaine au rang de mise en cause. [...]

*par=décision *phr=1*ord=pr *typo=italique \Mme la juge \Tourigny et \M.. le juge \Proulx: *typo=nil Les dispositions du *typo=italique Code de procédure civile *typo=nil relatives à l'amendement doivent recevoir une interprétation aussi large que possible. *phr=2 *ord=deux Cependant, une interprétation, aussi large soit--elle, ne peut écarter une disposition de droit substantif incluse dans le *typo=italique \Code civil. *typo=nil *phr=3 *ord=au Le législateur a voulu que, en intentant un recours, la partie demanderesse fasse un choix, ainsi que l'a confirmé \M.. le juge Mayrand dans l'arrêt \L'\Union québécoise, mutuelle d'assurance contre l'incendie c.. \Mutuelle des \Bois-Francs: [...]

*par=référence \Compagnie d'assurances \Traders générale c. \Laurentienne générale, \Compagnie d'assurances inc.. Juges \Tourigny, \Proulx et \Chouinard (diss..). C.A.

  On remarque que, à l'issue du même traitement, les sigles et abréviations ont été dépistés et marqués, ainsi que les majuscules de noms propres et les tirets de pronoms personnels inversés.

  - Appartenance au langage de spécialité, au domaine; des procédures ont été mises au point pour extraire, à partir de patrons catégoriels (nom + adjectif; nom + de + nom, etc.), des unités lexicales complexes susceptibles de correspondre à des termes du domaine tout comme certains unitermes (le détail des opérations se trouve dans Bertrand-Gastaldy, 1992):

domaine (lexique)

non Abitibi

oui acte_d'_accusation

oui action_en_dommages-intérêts

oui agents_de_la_paix

oui agression_sexuelle

peut-être arme_à_feu

oui arrestation_sans_mandat

oui arrêt_des_procédures

oui centre_de_détention

oui chef_d'_accusation

oui conduite_avec_facultés_affaiblies

oui conseil_de_famille

oui contrat_de_mariage

oui contrat_de_vente

oui divorce

oui dommages_exemplaires

oui donation_entre_vifs

oui droits_de_la_personne

oui jeunes_contrevenants

  - Appartenance au plan de classification et au thésaurus élaborés par l'organisation: les outils documentaires, disponibles sur support informatique, sont convertis en format SATO et projetés sur les manchettes, ce qui permet de catégoriser à la fois les rubriques, les mots-clés contrôlés (certains peuvent provenir des deux outils à la fois et ce sont des caractéristiques comme la position ou la typographie qui serviront à la désambiguïsation ultérieurement) et, par défaut, les mots-clés libres:

*par=manchette ASSURANCE*pc=oui -- assurance de responsabilité*mot-clé=oui -- recours contre le tiers responsable*mot-clé=oui -- option*th=oui -- article 2603 C.C. -- interdiction de cumul*mot-clé=oui -- amendement*th=oui.

  - Propriétés lexico-sémantiques: pour que le système puisse suggérer des mots-clés contrôlés aux conseillers juridiques, il doit détecter dans les textes les différentes formulations d'un concept regroupées dans le lexique grâce à une propriété Synonymes. Certains de ces synonymes- ou termes jugés équivalents d'un point de vue documentaire- sont déjà répertoriés dans le thésaurus sous forme de non-descripteurs et l'on peut traduire ainsi les relations dans SATO:
synonyme (lexique)
agression_sexuelle abus_sexuel
activité_pyramidale vente_pyramidale
alcool état_d'_ébriété
alcool Régie_d'_alcool_du_Québec

  - Appartenance à tout autre catégorie jugée pertinente pour les fins de l'analyse:

Certaines informations sont importantes pour caractériser le domaine du droit auquel un jugement est susceptible d'appartenir. Les noms propres (décelés d'après l'environnement du mot qui commence par une lettre capitale et qui n'est pas placé en début de paragraphe ni précédé d'un point) peuvent être subdivisés en noms de personnes, noms géographiques, noms de municipalités, noms d'organisations, elles-mêmes fractionnées en différents sous-groupes (compagnies d'assurances, organismes administratifs, syndicats, etc.).

  Lorsqu'on cherche, grâce à la commande Distance dans SATO, quel est le vocabulaire qui distingue le plus la subdivision Litige des autres subdivisions du résumé, on obtient une liste de ce genre, dans un ordre décroissant d'importance: octobre, janvier, novembre, décembre, mai, juillet, suite, septembre, motif, août, compagnie, avril, mois, demanderesse, février, ans, mars, employeur, jours, défenderesse, défendeurs, année, syndicat. Ce sont donc surtout les marqueurs de temps qui jouent un rôle discriminant et, pour catégoriser automatiquement les passages des jugements en texte intégral qui traitent du contexte, on devra produire un algorithme qui ira chercher une forte concentration de formes ayant cette propriété. Il faut donc catégoriser le vocabulaire en ce sens.

  - Marqueurs textuels divers: il peut être nécessaire de détecter les passages où le juge argumente sa décision, ceux qui réfèrent à une loi, ceux qui introduisent une nouvelle interprétation jurisprudentielle, ou tout autre fragment textuel propre à assister les opérations de tri, de sélection, de classification ou d'indexation.

  - On peut ainsi attribuer autant de propriétés que l'on juge utile pour la reconstitution de l'expertise, d'après l'intuition, les résultats des analyses et le savoir-faire des conseillers juridiques. À tout moment, on peut se positionner sur une unité lexicale et obtenir, par une simple commande, la liste de toutes les propriétés et valeurs de propriétés attribuées:

communauté_de_biens

*alphabet = fr

*fréqtot = 11

*longueur = 19

*gramr = tcomposé

*poids = 51

*typo = nil

*par = contexte

*phr = 4

*ord = ad

*term = non-descript

  Grâce aux différents traitements exposés, il est possible de catégoriser des unités lexicales ou textuelles et de procéder à des extractions de variables multiples selon les caractéristiques retenues: formes simples, formes simples affectées, hors contexte, de la (ou des) valeurs de propriété grammaticale, lexies complexes, termes du domaine, rubriques de classification, mots-clés contrôlés (descripteurs), mots-clés libres, titres de lois, nom des parties en présence, déclencheurs argumentatifs divers (de citations, de décisions, d'interprétation jurisprudentielle, etc.). On peut les choisir selon leur fréquence absolue ou relative, selon leur valeur discriminante, selon le chi2, selon leur position dans le texte, selon le domaine de droit, le tribunal d'où provient le jugement, le juge, le type de parties en présence, etc. Par exemple, on peut vouloir vérifier si les références aux lois sont de bons indices pour la classification des textes dans un domaine du droit.

Traitements statistiques

  Afin d'évaluer la performance des divers types de données et de leurs différentes propriétés pour prédire les décisions prises par les conseillers juridiques, nous les soumettons à une analyse de discrimination, avec le logiciel SPSS. Auparavant, nous procédons à un filtrage destiné à réduire le nombre de variables. Pour trouver les meilleurs candidats en vue d'une classification automatique, nous avons testé, jusqu'à présent, la valeur discriminante de Salton et le chi 2 et nous avons confronté les résultats avec ceux que procure un choix aléatoire. Ainsi, pour chaque texte, nous procédons à un traitement SATO qui produit un ensemble d'indices numériques. Ces indices sont ensuite fusionnés dans un fichier unique à raison d'une fiche par texte qui, pour la vérification de la classification, par exemple, contient en outre la rubrique de classification attribuée par les conseillers juridiques. L'algorithme permet d'éliminer les indices possédant un faible pouvoir discriminant. Il permet aussi d'évaluer la performance d'ensemble des indices conservés en comparant la classification générée par les indices à celle qui correspond au jugement des conseillers.

  Voici quelques exemples de résultats obtenus à partir d'indices extraits des résumés:
Fichiers Méthode % de résussite Nbre variables retenues Nbre variables exclues Total variables
Fichier 1 (Salton) directe98.11% 60012 612
Wilk 91.4%334 278612
Fichier 2 (Salton) directe89.7% 3988 406
Wilk 85.07%248 158406
Fichier 3 (aléatoire) directe79.3% 4042 406
Wilk 52.9%202 204406
Fichier 4 (chi2) directe96.31% 59.210 602
Wilk 78.92%190 412602

  Les excellents résultats obtenus dans l'exemple ci-dessus s'expliquent sans doute par le fait que les résumés sont rédigés, à l'intérieur d'un domaine, par le même indexeur. On peut s'attendre à une moins bonne performance lorsque les jugements des différents juges, dans les différentes cours, seront traités.

  Nous avons voulu vérifier également dans quelle mesure les regroupements de descripteurs effectués de façon très lâche dans le thésaurus (puisqu'il n'y a pas de relations hiérarchiques ni de regroupements par thèmes ou par facettes) d'une part, pourraient bénéficier d'une structuration par domaine de droit et, d'autre part, correspondaient aux regroupements réalisés lors de l'indexation. Pour cela, nous avons procédé à des analyses de co-occurrences et à des analyses de "clusters".

  Descripteurs du thésaurus co-occurrant plus d'une fois avec la rubrique de classification Famille (avec indication de la fréquence de co-occurrence):
41 pension alimentaire
25 protection de la jeunesse
20 divorce
15 prestation compensatoire
14 patrimoine familial
9 somme globale
8 garde d'enfant
8 mesure provisoire
7 convention entre époux
4 droit de visite et de sortie
3 autorité parentale
2 agression sexuelle
2 appel
2 mariage
2 moyen de non-recevabilité
2 partage
2 provision pour frais

  Descripteurs co-occurrant avec le descripteur Pension alimentaire:

44 pension alimentaire
8 somme globale
7 mesure provisoire
6 convention entre époux
5 prestation compensatoire
3 déduction
2 divorce
2 patrimoine familial

1 concubinage
1 discrimination
1 moyen de non-recevabilité
1 prescription
1 provision pour frais
1 régime de retraite
1 séparation de corps

  Descripteurs du thésaurus regroupés dans la classe 37 (que l'on pourrait étiqueter Famille à cause des ressemblances de contenu avec la liste présentée plus haut sous cette rubrique), selon l'analyse de "clusters" effectuée avec SPSS ("single linkage method"):
résidence familiale
partage
pension alimentaire
prestation compensatoire
patrimoine familial
union de fait
tribunal de la jeunesse
somme globale
séparation de corps
rétroactivité
régime matrimonial
provision pour frais
protection de la jeunesse
obligation alimentaire
mesure provisoire
mariage
garde d'enfant
filiation
droit de visite et de sortie
divorce
convention entre époux
autorité parentale
adoption

  Les résultats montrent, dans plusieurs cas, une bonne convergence entre les différents regroupements statistiques et ceux que l'on peut reconstituer, parfois péniblement, dans le thésaurus en suivant le réseau de renvois voir aussi. On peut penser qu'alors un regroupement statistique favoriserait la consultation du thésaurus en offrant, d'un seul coup d'oeil, l'ensemble des descripteurs reliés que l'on peut colliger seulement en s'astreignant à tourner de nombreuses pages pour obtenir une vue plus synthétique comme nous avons représentée graphiquement dans le schéma ci-dessous. On y retrouvera la plupart des descripteurs qui figurent dans le "cluster" présenté plus haut, à l'exception des descripteurs partage, prestation compensatoire, patrimoine familial, rétroactivité, provision pour frais qui, dans le thésaurus ne sont reliés à aucun autre descripteur:

  Le tableau 1 résume l'ensemble des traitements que nous venons d'exposer, en ce qui concerne les notices de Jurisprudence Express.



À la suite des divers traitements, les outils documentaires subissent plusieurs modifications. Le plan de classification et le thésaurus sont harmonisés; les quelques incohérences sont corrigées; le thésaurus est considérablement enrichi: variations flexionnelles, morphologiques et syntaxiques, synonymies documentaires sont ajoutées.

Enquête cognitive

  Les entrevues et les observations avec les personnes chargées d'analyser les jugements permettent à la fois de compléter les analyses de données exposées précédemment et de les orienter. Nous cherchons les techniques employées pour parcourir un texte, les différentes parties du texte examinées pour prendre une décision de tri, de classification, de résumé, d'indexation, les connaissances utilisées (importance de telle ou telle cour, poids à accorder à la nature des parties en cause, marqueurs du raisonnement du juge, contenu actuel de la base de données, besoins des utilisateurs, etc.), les catégorisations effectuées , les inférences faites pour passer des expressions en langue naturelle à leurs équivalences dans le thésaurus. Nous procédons donc selon une boucle: textes _> conseillers juridiques _> textes. Il est à noter que l'étude cognitive des opérations d'analyse documentaire ne bénéficie pas d'une longue tradition (David, 1991; Engres-Niggemeyer, 1990; Farrow, 1991)

  Pour le tri et la classification, les conseillers juridiques ont d'emblée identifié les indices pertinents. Selon les responsables de l'analyse, l'appartenance d'un jugement à un domaine du droit peut être décelée, dans quelques cas (DROIT PÉNAL, FAMILLE, TRAVAIL), d'après certains renseignements contenus dans la première page: le tribunal, le nom des parties ou la procédure entreprise, entre autres. Un jugement provenant de la Chambre d'expropriation de la Cour du Québec traitera assurément du domaine de l'expropriation. Par ailleurs, un jugement dont l'une des parties est un syndicat pourrait vraisemblablement aborder le droit du travail. Enfin, un jugement qui mentionne qu'il s'agit d'une requête en irrecevabilité à l'encontre d'une action en dommages-intérêts pourrait être classé en procédure civile. Mais comme il existe des chevauchements entre plusieurs rubriques de classification (le DROIT CIVIL recoupe OBLIGATIONS, VENTE, CONTRATS, entre autres) et comme plusieurs rubriques peuvent être attribuées à un même jugement, il est parfois nécessaire de consulter le texte du jugement, pour prendre connaissance soit du vocabulaire employé par le juge, soit des lois ou articles du code civil cités.

Tableau 1: TRAITEMENT DES NOTICES DE JURISPRUDENCE EXPRESS, DU THÉSAURUS ET DU PLAN DE CLASSIFICATION

Pré-traitement de la base de données Pré-traitement du thésaurus

de Jurisprudence Express et du plan de classification

Segmentation en notices |

Segmentation en groupes de 100 notices |

Segmentation de chaque notice en paragraphes |

Prétraitement de certains caractères: |

  Identification des majuscules de noms propres |

  Désambiguïsation du point d'abréviation |

Catégorisation des paragraphes du résumé |

Numérotation des phrases à l'intérieur des paragraphes |

Catégorisation des avant-dernières et dernières phrases |

| | |

| |

| V

|-> Traitement des unités textuelles et lexicales

| Catégorisation et extraction:

| . des manchettes et de leurs unités lexicales

| . rubriques de classification

| . mots-clés contrôlés (descripteurs)

| . mots-clés libres

| . des autres parties des résumés et des différentes parties des textes ainsi que de

| leurs unités lexicales: BDL

| . formes simples |

| . formes simples affectées des valeurs de catégories grammaticales <|

| . expressions nominales complexes

| . termes du domaine

| . catégories sémantiques (noms propres, indicateurs de temps, etc)

| . déclencheurs argumentatifs divers

| . etc.

|

|-> Filtrage des données

| . sur les propriétés attribuées

| . sur leur comportement: fréquences, valeur discriminante, chi2, etc.

|

|-> Analyse de discrimination

| . recherche des meilleurs prédicteurs pour le tri, la classification et l'indexation

| . vérification de la constance de classification

|

|-> Analyse de co-occurrences et analyse de clusters

. Étude des regroupements entre unités lexicales de la manchette, unités

lexicales du résumé et des textes pour:

. enrichissement et modification éventuelle des outils documentaires

(thésaurus,plan de classification)

  Prenons l'exemple du domaine ASSURANCE. Sur la première page, le tribunal qui rend la décision n'est pas un bon indice, dans ce cas. Si le nom d'une des parties désigne une compagnie d'assurances, il est possible mais pas certain qu'il faille classer le jugement dans ASSURANCE; une compagnie d'assurances qui a indemnisé son assuré peut, en effet, poursuivre la personne qui lui a causé des dommages et il faudrait alors classer le jugement dans RESPONSABILITÉ. Le fait que, dans le texte du jugement, les articles 2468 à 2676 du Code civil ou bien la loi sur les Assurances soient cités, vient renforcer le second indice. Si, de surcroÎt, le jugement comporte les termes comme: assurance-automobile, assurance collective, assurance de choses ou ses spécifiques: assurance-incendie, assurance-vol, assurances de personnes ou ses spécifiques: assurance-vie, assurance-invalidité, assurance-accident, ou encore assurance (de) responsabilité, assurance maritime , alors on peut prendre la décision avec une quasi-certitude de ne pas se tromper.

  Une fois en possession de ces renseignements, nous tentons de corroborer les affirmations des experts par l'analyse des corpus. Ainsi, dans notre échantillon, nous constatons que les jugements classés dans le domaine ASSURANCE se distribuent comme suit:
Cour Suprême du Canada: 1
Cour d'appel: 13
Cour supérieure: 9
Cour du Québec: 3

  Une compagnie d'assurance ou d'assurance-vie constitue une partie dans 21 des 26 jugements classés dans ce domaine.

  Les articles du Code civil cités se situent bien dans la fourchette indiquée plus haut: 2481, 2482, 2505, 2516, 2532, 2546, 2547, 2563, 2564, 2576, 2579, 2586, 2603.

  Trois lois sur les assurances sont citées: loi sur les assurances, loi sur l'assurance-automobile, loi sur les assurances du Québec.

  Voici le vocabulaire le plus utilisé (sous forme d'unitermes, dans les résumés seulement):

78 police
60 assureur
45 assuré
42 assurance-vie
33 indemnité (contexte: indemnité d'assurance, indemnité d'assurance-vie, indemnité d'assurance-accident, indemnité d'assurance-invalidité, indemnité réclamée)
30 assurances
29 responsabilité
29 obligation
26 contrat
21 couverture
19 courtier
16 réclamation
13 dommages
13 incendie
13 suicide
10 bénéficiaire
etc.

  Les résultats obtenus sont ensuite soumis aux conseillers juridiques pour commentaires et compléments d'information, si nécessaire. Il est alors possible de formuler en règles d'inférences l'analyse dont les critères textuels ont été explicités.

  Pour l'indexation, nous procédons de la même façon, mais notre analyse est plus fine, en raison de la nature même de l'opération. Cela implique, entre autres, que nous identifions si les conseillers juridiques extraient les concepts retenus d'une subdivision du résumé plutôt que d'une autre: le litige, le contexte ou la décision, si des algorithmes d'extraction automatique basés sur des indices comme le chi2 ou la valeur discriminante reproduisent avec suffisamment de fidélité leurs décisions, quelles sont les propriétés des termes retenus, dans quelle mesure les termes choisis correspondent aux formulations du juge ou résultent d'une normalisation de vocabulaire. Parmi les propriétés possibles des termes retenus, étant donné ce que nous savons des processus d'indexation humaine en général, nous testons la performance des critères suivants: la nature grammaticale, la fréquence, la position dans le texte (début ou fin de paragraphe), la position dans la superstructure des jugements, la typographie, l'appartenance au domaine de droit dans lequel le jugement est classifié. Les résultats obtenus par les analyses statistico-linguistiques sont confrontés aux résultats de l'analyse humaine et soumis aux conseillers juridiques qui, petit à petit, réfléchissent à leur démarche, explicitent leur savoir-faire, ce qui permet d'affiner, par itération successive, le choix des propriétés discriminantes et la pertinence des règles.


LE SYSTÈME EXPERT

  Pour l'implantation du système d'aide à l'analyse, nous avons retenu la technologie des systèmes experts, malgré les limitations de ce formalisme (découpage arbitraire de l'espace du problème, entre autres). La formulation des modèles en énoncés conditionnels et les règles d'inférences, présentent des avantages ergonomiques. En effet, le recours à un générateur de système expert (GSE) permet à des non-informaticiens, après un entraÎnement approprié, de formuler de façon autonome les règles pour un système qui peut être très complexe. En voici un exemple dans la veine de ce que nous avons expliqué plus haut:

Si article(s)_de_loi_cité(s) = "2468 à 2676 du Code Civil"

ET nom_des_parties = "compagnie d'assurance"

ET mot(s)_du_texte = ("police d'assurance"

OU "contrat d'assurance")

ALORS domaine = ASSURANCE.

  De plus, puisque les règles d'inférences sont des énoncés autonomes dont l'enchaÎnement est assuré par un mécanisme informatique lui aussi autonome appelé moteur d'inférences, il n'est pas nécessaire de prévoir à l'avance le déroulement complet de la résolution du problème. Cela favorise une méthodologie de développement par prototypage où l'on commence à implanter une solution avant qu'elle ne soit complètement planifiée. Le système joue un rôle heuristique en ce que la validation des règles d'inférences sur des cas concrets permet de transformer la solution envisagée. Le formalisme d'expression des règles, leur lisibilité, y compris par ceux qui n'ont pas participé à leur élaboration, et la modularité qu'elles permettent dans la construction des modèles, facilitent l'évolutivité autant latérale qu'en profondeur du système. L'évolution sera latérale si de nouvelles règles sont ultérieurement formulées pour prendre en compte d'autres cas dans le processus de solution; elle sera en profondeur si le processus de solution est complété par des étapes subséquentes ou encore inclus dans un processus plus global.

  La plupart des systèmes experts permettent la qualification de la relation qui est faite par le développeur entre des hypothèses et une conclusion. Cette qualification, qui prend la forme d'un coefficient, est prise en compte par un modèle de cumulÎ qui a pour fonction d'une part d'atténuer la valeur des validations subséquentes lorsqu'une validation est affectée d'un coefficient incertain et, d'autre part de renforcer la valeur d'une validation si elle a déjà été faite. Ces mesures quoique imparfaites permettent d'exprimer la confiance que l'on devrait avoir face aux résultats d'une consultation. Grâce à la prise en compte de l'incertitude, le système peut aboutir à plusieurs réponses, chacune étant qualifiée d'un coefficient cumulé indiquant la confiance qu'on peut avoir. Le poids qui est attribué est relatif à la valeur intrinsèque de l'indice; ainsi un multiterme figurant dans le thésaurus vaut plus qu'un uniterme du domaine. Cette façon de faire présente l'avantage de faire ressortir toutes les possibilités étant donné la configuration d'indices dépistés. Il a été prouvé qu'il est plus facile cognitivement de rejeter une solution inappropriée que de trouver la bonne solution sans suggestions. Ce dispositif s'avèrera sans doute très utile, dans les cas où plusieurs rubriques de classification seront proposées. Ainsi, dans l'exemple fourni précédemment, une autre règle pourrait, à partir de la conjonction des mêmes indices plus un autre mot-clé affirmer qu'il pourrait aussi s'agir de domaine de la responsabilité. À la suite de la consultation, l'utilisateur serait en face de deux domaines potentiels, assurance et responsabilité.

  Comme les systèmes experts offrent la possibilité de documenter le cheminement suivi lors de la résolution de problème, l'utilisateur peut valider la ou les réponses obtenues et, le cas échéant, apprendre à partir des explications fournies.

  Pour implanter les modèles que nous aurons construits, nous allons utiliser le GSE fourni dans l'Atelier Cognitif et TExtuel - ACTE (Paquin, 1992b). L'Atelier offre une représentation matricielle des connaissances appelée objets valués. Ce formalisme permet une interface directe avec les sorties de SATO. Chacun des mots d'une séquence donnée ainsi que l'ensemble des annotations statistico-linguistiques sont transformés en autant de faits qui valideront les hypothèses des règles d'inférences appropriées qui à leur tour amèneront à une solution documentée, soit la sélection ou le rejet d'une décision, soit l'attribution d'une ou plusieurs rubriques du plan de classification (Paquin, 1992a).

CONCLUSION

  La complémentarité des approches utilisées pour la modélisation constitue une des originalités de notre projet. Bien que recommandée à plusieurs reprises (Chaumier et Dejean, 1992; Doszkocs, 1986; Meunier et al., 1987), en raison de la multiplicité des connaissances mises en oeuvre pour l'analyse du matériau textuel orientée vers des fins documentaires, elle n'a pas encore été appliquée fréquemment, en tout cas pas avec cette ampleur. Ceci permet, nous semble-t-il, un heureux compromis qui tient compte de caractéristiques exigeant parfois des solutions contradictoires, dans l'état de développement actuel des technologies: matériau textuel très complexe à analyser, mais nécessitant néanmoins des approches de nature linguistique et cognitive, volume important des données prohibant des analyses très fines et pouvant bénéficier des effets de nombre, savoir-faire de plusieurs experts à expliciter, selon des méthodes appropriées à leur mode d'inscription, de façon à respecter la culture de l'organisation.

  SOQUIJ retirera du projet plusieurs bénéfices importants, dont certains sont déjà effectifs avant même que le système expert soit implanté. En effet, la nécessité d'expliciter le processus d'analyse et les règles suivies par chacun des conseillers juridiques aboutit à une prise de conscience de certaines divergences selon les individus; en outre, les résultats des analyses statistico-linguistiques poussent à un examen critique des outils documentaires et de leurs interrelations ainsi que des pratiques "manuelles" et de leurs conséquences. Les changements sont effectués par les conseillers juridiques eux-mêmes, à leur initiative.

Le transfert d'expertise permet l'acquisition progressive de méthodes de gestion et d'analyse de textes assistées par ordinateur, car les conseillers juridiques participent activement à l'enquête cognitive et aux rencontres d'information et de formation qui accompagnent le projet. Ceci garantit d'ailleurs la pertinence des solutions proposées.

Comme le système expert interviendra en amont des opérations actuellement automatisées, celles de la saisie des résultats de l'analyse intellectuelle des jugements, il favorisera le processus de décision et permettra aux conseillers juridiques de réserver leur temps et leur expertise à des tâches de plus haut niveau, comme la gestion de la connaissance du système expert. La mise à disposition d'un nombre croissant de jugements sera accélérée, sans trop d'impact sur les ressources humaines. Les résultats des analyses de co-occurrences et de "clusters" pour les rubriques de classification, les descripteurs et les unités lexicales des textes pourraient être réutilisés dans la conception d'outils d'aide au repérage dans la lignée des travaux menés au CNRS en France(Courtial, 1985) ou dans des organismes comme La National Library of Medicine (Doszkocs, 1983).

  Quant à l'équipe de recherche, elle trouve dans ce projet un merveilleux banc d'essai pour tester à grande échelle des méthodologies et des technologies élaborées dans des recherches précédentes portant sur l'analyse de textes, l'indexation et le contrôle du vocabulaire assistés par ordinateur, la gestion des bases de données textuelles, l'extraction de connaissances et la mise au point des logiciels SATO et ACTE.

BIBLIOGRAPHIE DES SOURCES CITÉES

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